lundi 22 septembre 2014

[Fr] - Ignacio del Valle - interview

J'ai eu la chance de rencontrer l'écrivain Ignacio del Valle au salon littéraire Les Mots Doubs à Besançon. C'est un jeune écrivain tout ce qu'il y a de plus prolifique. Il a reçu de nombreux prix littéraires, et son œuvre est traduite dans plusieurs langues.

Source: www.ignaciodelvalle.es

Il entretient une colonne d'opinion dans le journal El Comercio de Gijón et collabore à de nombreux médias. Il anime des conférences et des ateliers, et présente la section culturelle Afinando los sentidos sur l'antenne d'Onda Cero Radio.

 

Traduction de l'interview en espagnol réalisée le 20 septembre 2014 à Besançon.
Sincères remerciements à Ignacio del Valle.


Pouvez-vous vous présenter, dire qui vous êtes, votre parcours… ?

Je suis Ignacio del Valle, écrivain espagnol, je suis ici à Besançon pour présenter mon dernier roman, Cherche ma face, et vous pouvez consulter mon parcours sur Facebook, sur Twitter, sur mon blog, j’ai également un site Internet www.ignaciodelvalle.es. Et jusqu’à maintenant, j’ai écrit la trilogie d’Arturo Andrade sur la Seconde Guerre Mondiale, un livre de contes, et j’invite donc les auditeurs à s’approcher de mon œuvre, entre autres par Internet !


Fantastique ! Vous êtes un écrivain 2.0 !

Oui, il faut être à l’air du temps ! Je ne peux pas m’en empêcher !

Quel est le genre dans lequel vous écrivez, et surtout quel est votre credo littéraire ; pourquoi écrivez-vous et pour quoi ?

Ce qui m’intéresse, c’est de grandir comme écrivain. La trilogie d’Arturo Andrade est ce qu’on appelle en France un roman noir, un romain policier. Cette trilogie couvre la période de 1939 à 1945, avec un double focus, ce que j’appelle la macroéconomie et la microéconomie, c’est-à-dire les grands faits historiques et comment ils affectent les personnages. Mais pour grandir comme écrivain, il faut batailler  contre et avec différentes structures,  différents genres. C’est pourquoi j’ai écrit ce livre de contes, c’est pourquoi mes projets futurs sont des romans plus littéraires, pour revenir surement au genre noir plus tard. Il y a une phrase que j’aime beaucoup c’est : « les choses que tu ne contrôles pas, ce sont ce qui te forment, te modèlent. » En littérature, c’est la même chose. Tant pour la vie comme la littérature. C’est pourquoi il faut être au courant des choses avec lesquels on n’est pas à l’aise, et c’est ce qui permet de grandir comme personne et comme écrivain.
Quelle est la seconde question ?


Votre credo littéraire.

Et bien, je crois que l’objectif de base de mes romans est d’un côté, la recherche d’une perspective sur des époques déterminées,  c’est-à-dire que je raconte une histoire qui donne des perspectives sur, par exemple, une période historique ou une situation émotionnelle, et d’un autre côté, c’est provoquer une réaction émotionnelle chez le lecteur. Cette conjonction marche quand on trouve un équilibre entre le style, la trame et la structure. Si on arrive à faire fonctionner cela tout ensemble, on peut écrire un roman qui a du sens. 

Avant de nous intéresser à votre dernier roman, je voudrais d’abord me focaliser plus sur la trilogie d’Arturo Andrade. D’où vous vient cette passion que vous avez pour la Seconde Guerre Mondiale et pour la culture allemande ? J’ai vu, entre autres, que vous étiez un inconditionnel de Bach...

De Bach, de Schubert, de Corelli, qui est italien, mais qui est allemand bien qu’il ne le sache pas ! Il y a une période de ma vie qui a été très importante où j’ai découvert la culture allemande, la musique, la littérature, la philosophie, et je me suis trouvé un grand intérêt pour l’histoire de l’Allemagne. Il est curieux pour moi de voir comment, dans les années 30, dans le pays le plus alphabétisé d’Europe, surgit un trou noir qu’est le national-socialisme, qui détruit des centaines d’années de civilisation. Et durant treize ans, il n’y a rien, il y a ce trou noir qui avale énergie et lumière et qui a tout fichu en l’air. Ce qui m’intéresse, c’est savoir pourquoi il s’est passé cela. Ça a été la genèse des Démons de Berlin, le dernier volet de la trilogie. Après, j’avais d’autres intérêts dans un fait comme la Seconde Guerre Mondiale, qui pour moi est le fait, historiquement parlant, le plus important des 500 dernières années. Certains disent que c’est la découverte de la pénicilline, ce qui est très important, mais la Seconde Guerre Mondiale est une révolution totale. Le rôle des Espagnols a été également très évident, à travers la División Azul. Cela m’a intéressé de savoir pourquoi est-ce qu’on a envoyé une division pour se battre contre les Russes au sein de la Wehrmacht. Et m’a intéressé également l’aspect humain d’un fait qui en principe est déformé par des questions idéologiques. Et donc mon personnage Arturo Andrade établit des relations avec les Russes où ils ont dû vivre pendant deux ans à -40°C ; c’est aussi une aventure humaine. 

Vous abordez également l’Union Soviétique, la question du stalinisme, est-ce un thème qui vous parle ?

La culture russe a été très importante pour moi. Dans ma vie, j’ai toujours lu par étapes ; j’ai eu une étape russe, une étape française, une étape grecque, et donc pendant la période russe, on ne peut pas échapper à Boulgakov, Tolstoï, Dostoïevski, de Tchekhov. Ça m’a produit un grand intérêt pour la culture russe, et plus particulièrement tout ce qui sont les idéologies totalitaires. On ne peut pas séparer la culture russe de la période de la révolution bolchevique. J’ai beaucoup lu, Trotski m’intéresse beaucoup, Lénine, mais surtout Trotski. C’est celui qui pouvait le mieux diagnostiquer la réalité, malgré le fait qu’il n’ait pas su voir venir l’avènement de Staline. Donc tout ce qui a à voir avec cette période de l’Histoire me fascine.




Nous allons parler de votre dernier roman, Derrière les masques, publié cette année, aux éditions Phébus. C’est un roman complètement différent de ce que vous avez fait jusqu’à maintenant. Ca ne se passe pas pendant la Seconde Guerre Mondiale, mais à notre époque aux Etats-Unis. Pouvez-vous nous en parler quelque peu ?

http://www.editionsphebus.fr/derriere-les-masques-ignacio-del-valle-9782752907929Et bien, j’ai commencé à écrire Derrière les masques par épuisement. J’ai passé huit ans à écrire la trilogie, et c’est un sujet qui ne tient plus dans mon esprit : les thèmes, la structure, la psychologie d’Arturo Andrade, etc. J’ai finalement cherché d’autres intérêts. J’ai lu pas mal de choses, et j’avais envie de faire un roman contemporain. Il faut toujours chercher de nouveaux défis ! Avec une structure et une époque différentes. Il y avait trois thèmes qui m’intéressaient : la chute de l’Union Soviétique en 1929, la globalisation économique et la guerre des Balkans. Alors comment connecter tout cela ? J’ai créé une trame avec beaucoup de personnages, de nombreux lieux : New-York, Amsterdam, Tel-Aviv, pour monter une espèce de grande partie de billard où les boules, il y a un effet domino, bougent et s'entrechoquent. Et donc essayer de connecter tout cela en racontant les vies de Shailesh Mathur, Erin Sohr et des autres personnages en ayant comme leitmotiv, comme MacGuffin comme dit Hitchcock, un prétexte qui fait fonctionner la trame comme carburant : c’est la persécution d’un criminel de guerre serbe qui s’appelle Victor, et à partir de là, surgissent tout un tas d’intrigues et d’histoires. 

Et dans ce roman, nous trouvons à nouveau les thèmes essentiels du roman noir : traite des Blanches, trafic de drogues, armes, prostitution, blanchiment d’argent, etc.

Oui, effectivement, tout cela forme le corpus de la trame. Mais ce qui m’intéressait, c’était de voir comment ces faits modèlent les personnages, comment cette macroéconomie influence la vie privée de mes personnages. C’est très intéressant d’obtenir cet équilibre entre ces deux aspects du roman. 

Pour terminer, pouvez-vous nous citer l'auteur français ou l'auteure française qui vous a le plus marqué ?

Romain Gary ! C’est l’écrivain qui est à l’honneur aux Mots Doubs. J’ai lu quatre ou cinq de ses romans, et même le dernier publié en Espagne, Europa. C’est un roman assez dense. Ça m’a plu, j’aime sa vie, j’aime sa manière d’envisager la littérature car, malgré le fait qu’en France il ait été traité d’écrivain commercial, il change de nom et se présente au Goncourt, et il le gagne deux fois ! Cette manière de voir la littérature m’enthousiasme, en plus d’être marié à une femme magnifique ! Et en plus, il a eu une autre vie que la vie littéraire, il a été chef d’entreprise, ambassadeur… Cette manière de vivre et d’aborder la littérature m’intéresse beaucoup !

Et peut-être qu’un jour vous aussi gagnerez le Goncourt !

Euh, bon ! Je suis quelqu’un de très optimiste !

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