samedi 20 novembre 2010

Transexualisme et transgendérisme

Simone de Beauvoir a dit "on ne nait pas femme, on le devient." C'est le produit d'une société qui élabore ce produit intermédiaire entre l'homme et le castrat qu'on a l'habitude de qualifier de féminin.
Avec l'arrivée de la puberté, des règles, la jeune fille devient un objet de transformation ("la métamorphose de la chenille", de Beauvoir). La fille devient femme dans un processus de dégénération, de déformation du corps que les forces politiques décrivent encore comme naturelles. Cette fille-femme présent dans ces changements une finalité qui l'arrache à elle-même : elle est projetée dans un cycle vital qui déborde de sa propre existence, en s'enchaînant à l'homme, au fils et enfin à la tombe. On nous force donc, en nos corps et esprit, à correspondre à cette idée naturelle qui a été établie a priori pour nous. D'où l'idée de dire que le genre est une construction politique.

On ne nait pas femme, on le devient... Ou pas.   Dès la fin du XIXs apparaissent les premiers ateliers Drag King, dont Beatriz Preciado nous parle dans son Testo Junkie.  Dans ces ateliers, qu'une bio-femme se colle ses propres poils sur le visage permet la possibilité d'un autre monde. Il s'agit de jouer avec le genre, jouer à être un homme, ou être une femme, ou les deux. Mettre son bassin en avant, en changeant le centre de gravité du corps, produit un effet d'un réalisme maximum. Ce n'est pas une représentation théâtrale, mais une participation à la culture Queer, Drag King, une culture de résistence à la normalisation du genre organisée autour d'un ensemble de micropolitiques confrontées à l'hétérocentrisme.

L'objectif de ces ateliers n'est pas de "faire sortir l'homme qui est en chacune" ou "d'être l'homme qu'on a toujours voulu être", mais c'est faire l'expérience de comment corporellement la mascunilité est le produit d'un ensemble de codes culturels performatifs apréhendés ou incorporés à travers de ce que Judith Bulter appelle "la répétition coercitive". Ces éléments peuvent être réapropriés et mis en pratique par n'importe quel corps, indépendament de son sexe anatomique. Par conséquent, refuser d'être politiquement une femme ne signifie pas pour autant vouloir être un homme. Il ne s'agit pas d'une transexualité physique mais d'une conduite sociale de résistence à l'identité sexuelle normative et normée. On considère alors l'atelier Drag King comme une sorte de thérapie politique qui au lieu de faire comprendre la dissidence de genre comme une pathologie psychologique, entend la normalisation hétérosexuelle et biologique comme des pathologies politiques qui de plus ne représentent pas le réel. 

On peut donc dire que les ateliers Drag King sont un instrument d'hyperidentification de la personnalité jusqu'au point d'exprimer un lapidaire : "moi, je n'ai pas de vagin."
Il faut comprendre cette expression du point de vue constructiviste et post-féministe du genre. On ne parle pas du vagin biologique, mais d'un vagin politiquement conçu comme étant le réceptacle d'un pénis hétérosexuel, et non d'un godemiché. A partir du moment où le vagin cesse d'être territorialisé par l'organe sexuel masculin, il perd sa finalité d'organe sexuel hétérosexuel et donc, sa raison d'être. Il n'est plus. Il n'existe plus.
Ainsi, en se situant hors des régimes de l'hétérosexualité, le corps hétéro se déconstruit. Le corps lesbien, sans le besoin d'être opéré, comme exemple de transversal au genre, transforme la sensibilité sexuelle quand les organes se restructurent dans une nouvelle production de sentiments et de plaisirs.

vendredi 19 novembre 2010

Gare à la gouine garou ou comment se faire un corps queer à partir de la pensée straight

Alors bien sûr, ce titre, c'est celui d'un article de Beatriz Preciado, mais bon. Quelques réflexions.


En 1991, une femme transsexuelle, Nancy Jean Burkholder, est exclue du festival de musique du Michigan. Cet événement a lancé un débat dans les communautés lesbiennes sur la pertinence du critère biologique pour tracer les limites de l'espace politique. Pourquoi cette femme transsexuelle, post-op, qui se définissait comme lesbienne, ne pouvait pas accéder à l'espace lesbien ?
Ceci mit en évidence les contradictions internes  aux discours féministes et lesbiens, et quand beaucoup de ceux-ci se définissaient comme constructivistes et affirmaient que le genre n'était qu'une construction sociale et culturelle, ils continuaient de considérer le corps biologique comme étant la limite même qui définit le genre féminin et par là la possibilité même de l'identité lesbienne.


Dans les années 90 commence un processus de transformation discursive et corporelle qui ont donné à la célèbre phrase de Monique Wittig ("je n'ai pas de vagin") un air de prémonition futuriste. Au lieu d'être condamnées à être des sousproduits de la machinque biopolitique hétérosexuelle, les daddies, les drag kings, les trans-gouines, ont décidé de court-circuiter le processus de production et de normalisation des corps homosexuels pour se constituer en nouveaux sujets d'un devenir politique et sexuel. Beatriz Preciado et Teresa de Lauretis font toutes deux une lecture queer des écrits de Wittig, Butler et Foucault. La Pensée straight et L'Histoire de la sexualité sont devenus les deux textes centraux dans les études queers par son constructivisme radical et sa critique de la naturalisation de l'histoire de la sexualité.
Une lecture croisée des deux auteurs permet une définition de l'hétérosexualité comme il suit : une technologie biopolitique destinée à la production de corps hétéros. Cependant, Wittig n'identifie pas l'hétérosexualité comme un dispositif biopolitique, mais comme une strucutre de domination qui explique l'oppresion des femmes tout au long de l'histoire. La lesbienne serait donc celle qui a rompu le contrat sexuel en se situant dans une extériorité politique radicale, mais comme la lesbienne se définit à partir de la pensée hétérosexuelle, il est difficile d'imaginer ce qui reste de la lesbienne quand elle atteint l'extérieur.


"La lesbienne, dit Monique Wittig, est le seul concept que je connaisse qui soit au-delà des catégories de sexe parce que le sujet désigné n'est pas une femme, ni économiquement, ni politiquement, ni idéologiquement." Le lesbianisme n'est pas une identité sexuelle et culturelle mais une position hors du système d'oppression qui produit les sexes.


La théorie queer, a la différence de Wittig, ne voit pas le lesbianisme  comme une extériorité pure ou un au-delà des catégories de sexe et de genre, mais comme une formation identitaire  qui se construit elle-même avec ses autres normales et abjectes et qui ne peut se comprendre comme simplement comme déviée et transgresseur.


Wittig est l'auteure d'actes poltiques très puissants, que Beatriz Preciado se propose de réinterpréter dans son article. L'un d'entre eux est dans déterritorialisation du corps féminin (qui se matérialise dans l'affirmation que les lesbiennes ne sont pas des femmes) et le devenir gouine-garou (qui suppose la transformation du corps hétéro.) Un devenir corps lesbien, sans substance ni antécédents naturels, qui résulte du processus de baiser lesbien tel que cela se manifeste dans Le Corps lesbien.