vendredi 19 novembre 2010

Gare à la gouine garou ou comment se faire un corps queer à partir de la pensée straight

Alors bien sûr, ce titre, c'est celui d'un article de Beatriz Preciado, mais bon. Quelques réflexions.


En 1991, une femme transsexuelle, Nancy Jean Burkholder, est exclue du festival de musique du Michigan. Cet événement a lancé un débat dans les communautés lesbiennes sur la pertinence du critère biologique pour tracer les limites de l'espace politique. Pourquoi cette femme transsexuelle, post-op, qui se définissait comme lesbienne, ne pouvait pas accéder à l'espace lesbien ?
Ceci mit en évidence les contradictions internes  aux discours féministes et lesbiens, et quand beaucoup de ceux-ci se définissaient comme constructivistes et affirmaient que le genre n'était qu'une construction sociale et culturelle, ils continuaient de considérer le corps biologique comme étant la limite même qui définit le genre féminin et par là la possibilité même de l'identité lesbienne.


Dans les années 90 commence un processus de transformation discursive et corporelle qui ont donné à la célèbre phrase de Monique Wittig ("je n'ai pas de vagin") un air de prémonition futuriste. Au lieu d'être condamnées à être des sousproduits de la machinque biopolitique hétérosexuelle, les daddies, les drag kings, les trans-gouines, ont décidé de court-circuiter le processus de production et de normalisation des corps homosexuels pour se constituer en nouveaux sujets d'un devenir politique et sexuel. Beatriz Preciado et Teresa de Lauretis font toutes deux une lecture queer des écrits de Wittig, Butler et Foucault. La Pensée straight et L'Histoire de la sexualité sont devenus les deux textes centraux dans les études queers par son constructivisme radical et sa critique de la naturalisation de l'histoire de la sexualité.
Une lecture croisée des deux auteurs permet une définition de l'hétérosexualité comme il suit : une technologie biopolitique destinée à la production de corps hétéros. Cependant, Wittig n'identifie pas l'hétérosexualité comme un dispositif biopolitique, mais comme une strucutre de domination qui explique l'oppresion des femmes tout au long de l'histoire. La lesbienne serait donc celle qui a rompu le contrat sexuel en se situant dans une extériorité politique radicale, mais comme la lesbienne se définit à partir de la pensée hétérosexuelle, il est difficile d'imaginer ce qui reste de la lesbienne quand elle atteint l'extérieur.


"La lesbienne, dit Monique Wittig, est le seul concept que je connaisse qui soit au-delà des catégories de sexe parce que le sujet désigné n'est pas une femme, ni économiquement, ni politiquement, ni idéologiquement." Le lesbianisme n'est pas une identité sexuelle et culturelle mais une position hors du système d'oppression qui produit les sexes.


La théorie queer, a la différence de Wittig, ne voit pas le lesbianisme  comme une extériorité pure ou un au-delà des catégories de sexe et de genre, mais comme une formation identitaire  qui se construit elle-même avec ses autres normales et abjectes et qui ne peut se comprendre comme simplement comme déviée et transgresseur.


Wittig est l'auteure d'actes poltiques très puissants, que Beatriz Preciado se propose de réinterpréter dans son article. L'un d'entre eux est dans déterritorialisation du corps féminin (qui se matérialise dans l'affirmation que les lesbiennes ne sont pas des femmes) et le devenir gouine-garou (qui suppose la transformation du corps hétéro.) Un devenir corps lesbien, sans substance ni antécédents naturels, qui résulte du processus de baiser lesbien tel que cela se manifeste dans Le Corps lesbien.

Aucun commentaire: