mercredi 22 janvier 2014

(fr) La Galice écrite en français.



Depuis la référence à la Galice comme une sorte d'El Dorado dans un des textes fondateurs de la littérature française, ce grand poème épique qu'est La Chanson de Rolland, jusqu'aux romans actuels ou reportages sur la catastrophe du Prestige, la Galice a eu son rôle, petit mais étonnant, tout au long de plus de mille ans de culture écrite en France. Les références, certaines banales, d'autres fantaisistes, beaucoup tout à fait certaines, peuvent se trouver gratuitement sur Internet dans cette étude écrite en français, La Galice racontée par des Français, par le philologue Henrique Harguindey. 
 
Traducteur au galicien de Molière ou Rabelais, entre autres grandes figures, il a trouvé durant quarante ans de lectures et de recherches des allusions à la Galice. « Ce pays est petit pour la littérature française, dit-il, il n'a pas un grand impact, mais la quantité de références et leur continuité surprend parce qu'on pensait qu'il n'y avait rien. » 

La présence galicienne au sein des Lettres françaises est bien hétérogène et couvre des champs divers du savoir comme la littérature, la sociologie ou la recherche scientifique. Par exemple, Albert Ier de Monaco, a étudié au XIX siècle la pêche de la sardine en Galice pour arriver à savoir pourquoi en France elles étaient en train de disparaître et a conclu que les marins galiciens faisaient une exploitation rationnelle et conservationniste des ressources.

Toujours au XIXème siècle, mais dans sa seconde moitié, l'hispaniste Jean Charles Davillier, accompagné du génial illustrateur Gustave Doré, parcourt l'Espagne de fond en combles et rédige des chroniques qui seront publiées dans la revue Le tour du monde
Ce qui attire l'attention c'est comment dans ses textes, contemporains des Cantares gallegos de Rosalia de Castro, figure fondatrice et emblématique de la littérature romantique galicienne, il capte le drame de l'émigration et le mépris qui s'exerçait vis-à-vis des émigrants galiciens dans tout l’État espagnol, et aussi leur émotion quand ils se remémorent leur terre. 
 
Avançons un peu plus dans le temps : un des écrivains clés du XX siècle, et un de mes préférés, Raymond Queneau, nous laisse un témoignage de son passage par Vigo avec une plaisanterie bien évidemment surréaliste à propos de Dino, un chien plus ou moins imaginaire. Rande, à côté de Vigo, lieu qui a servi de décor à l'un des épisodes de Vingt mille lieues sous les mers de Jules Verne est bien plus célèbre.

Victor Hugo raconte l'usurpation de la couronne du roi Garcia dans La Légende des siècles.


Malgré cette variété dans les regards et les approches, notre auteur parvient à tracer quelques liens de continuité. Ainsi, dans La Chanson de Rolland, en plus de faire référence à « l'or de la Galice » : qui évoque de manière presque mythique les mines d'or de l'époque roman, un de ses personnages est Hamon de Galice, connu comme étant Raymond le chevalier de Bourgogne et le père d'Afonso Reimondez, qui a été couronné roi de Galice en la cathédrale de Saint Jacques de Compostelle et plus tard également couronné roi de Castille et Léon en tant Alphonse VII l'Empereur. On trouve cette thématique dynastique dans des textes des XI, XIV, XV siècles et jusqu'au XIX quand Victor Hugo inclut dans La Légende des siècles un poème qui raconte l'usurpation de la couronne du roi García par ses fils, en réalité ses frères, dont Alphonse VII.

De cette veine sur les embrouilles du pouvoir, avec une base historique mais avec de hautes doses de fiction, Harguindey fait le compte rendu d'un autre aspect : les relations que les textes reflètent parmi ce qu'on appelle les nations celtes. De fait, dans Le Roman de Ponthus et Sidoine, un roman de chevalerie breton qui servait de modèle de conduite pour les fils de la noblesse, on raconte les péripéties de Ponthus dans un haut Moyen-Age imprecis. Ce personnage, fils de roi galicien, parvient à s'échapper par la mer de La Corogne après une attaque musulmane qui détruit la ville. Il s'installe en Bretagne, tombe amoureux de la fille du roi, mais après de nombreuses pirouettes narratives, à la fin de la reconquête de sa terre, il se marie avec sa fiancée et est nommé souverain de Galice et de Bretagne. Pendant son chemin, il a des contacts avec l'Irlande et l’Écosse, ce qui renforce la thèse du celtisme.

D'autres constantes dans la littérature française son les divers conflits entre la France napoléonienne et l'Espagne dès le début du XIX siècle. La cruauté de ce que l'on appelle ici la Guerre d'Indépendance, le capitaine Nicolas Marcel raconte dans ses mémoires comment il était éffaré face à la barbarie des deux camps et relate comment les troupes dont il faisait partie saccagent la ville de Camariñas en assassinant hommes, femmes et enfants sans distinction. 

En plus de ceux-ci et des nombreux autres regards français sur la Galice, on peut trouver sur le site d'Henrique Hardingueu quelques unes des traductions en galicien qu'il a faites, celles non sujettes au droit d'auteur. Ainsi, on peut lire en galicien Molière, Voltaire, François Rabelais ou même le poème de Victor Hugo sur Le Petit roi de Galice.




Voir : Palabras Desconxeladas, le site d'Henrique Hardinguey.