J'ai eu la chance de rencontrer l'écrivain Ignacio del Valle au salon littéraire Les Mots Doubs à Besançon. C'est un jeune écrivain tout ce qu'il y a de plus prolifique. Il a reçu de nombreux prix littéraires, et son œuvre est traduite dans plusieurs langues.
Source: www.ignaciodelvalle.es |
Il entretient une colonne d'opinion dans le journal El Comercio de Gijón et collabore à de nombreux médias. Il anime des conférences et des ateliers, et présente la section culturelle Afinando los sentidos sur l'antenne d'Onda Cero Radio.
Traduction de l'interview en espagnol réalisée le 20 septembre 2014 à Besançon.
Sincères remerciements à Ignacio del Valle.
Pouvez-vous vous présenter, dire qui vous êtes, votre
parcours… ?
Je suis Ignacio del Valle, écrivain espagnol, je suis ici à Besançon pour
présenter mon dernier roman, Cherche ma
face, et vous pouvez consulter mon parcours sur Facebook, sur Twitter, sur
mon blog, j’ai également un site Internet www.ignaciodelvalle.es. Et jusqu’à
maintenant, j’ai écrit la trilogie d’Arturo Andrade sur la Seconde Guerre
Mondiale, un livre de contes, et j’invite donc les auditeurs à s’approcher de
mon œuvre, entre autres par Internet !
Fantastique ! Vous êtes un écrivain 2.0 !
Oui, il faut être à l’air du temps ! Je ne peux pas m’en empêcher !
Quel est le genre dans lequel vous écrivez, et surtout
quel est votre credo littéraire ; pourquoi écrivez-vous et pour
quoi ?
Ce qui m’intéresse, c’est de grandir comme écrivain. La trilogie d’Arturo
Andrade est ce qu’on appelle en France un roman noir, un romain policier. Cette
trilogie couvre la période de 1939 à 1945, avec un double focus, ce que
j’appelle la macroéconomie et la microéconomie, c’est-à-dire les grands faits
historiques et comment ils affectent les personnages. Mais pour grandir comme
écrivain, il faut batailler contre et
avec différentes structures, différents
genres. C’est pourquoi j’ai écrit ce livre de contes, c’est pourquoi mes
projets futurs sont des romans plus littéraires, pour revenir surement au genre
noir plus tard. Il y a une phrase que j’aime beaucoup c’est : « les
choses que tu ne contrôles pas, ce sont ce qui te forment, te modèlent. »
En littérature, c’est la même chose. Tant pour la vie comme la littérature.
C’est pourquoi il faut être au courant des choses avec lesquels on n’est pas à
l’aise, et c’est ce qui permet de grandir comme personne et comme écrivain.
Quelle
est la seconde question ?
Votre credo littéraire.
Et bien, je crois que l’objectif de base de mes romans est d’un côté, la
recherche d’une perspective sur des époques déterminées, c’est-à-dire que je raconte une histoire qui
donne des perspectives sur, par exemple, une période historique ou une
situation émotionnelle, et d’un autre côté, c’est provoquer une réaction
émotionnelle chez le lecteur. Cette conjonction marche quand on trouve un
équilibre entre le style, la trame et la structure. Si on arrive à faire
fonctionner cela tout ensemble, on peut écrire un roman qui a du sens.
Avant de nous intéresser à votre dernier roman, je voudrais d’abord me
focaliser plus sur la trilogie d’Arturo Andrade. D’où vous vient cette passion
que vous avez pour la Seconde Guerre Mondiale et pour la culture
allemande ? J’ai vu, entre autres, que vous étiez un inconditionnel de
Bach...
De Bach, de Schubert, de Corelli, qui est italien, mais qui est allemand bien
qu’il ne le sache pas ! Il y a une période de ma vie qui a été très importante
où j’ai découvert la culture allemande, la musique, la littérature, la
philosophie, et je me suis trouvé un grand intérêt pour l’histoire de
l’Allemagne. Il est curieux pour moi de voir comment, dans les années 30, dans le
pays le plus alphabétisé d’Europe, surgit un trou noir qu’est le
national-socialisme, qui détruit des centaines d’années de civilisation. Et
durant treize ans, il n’y a rien, il y a ce trou noir qui avale énergie et
lumière et qui a tout fichu en l’air. Ce qui m’intéresse, c’est savoir pourquoi
il s’est passé cela. Ça a été la genèse des Démons
de Berlin, le dernier volet de la trilogie. Après, j’avais d’autres
intérêts dans un fait comme la Seconde Guerre Mondiale, qui pour moi est le
fait, historiquement parlant, le plus important des 500 dernières années.
Certains disent que c’est la découverte de la pénicilline, ce qui est très
important, mais la Seconde Guerre Mondiale est une révolution totale. Le rôle
des Espagnols a été également très évident, à travers la División Azul. Cela
m’a intéressé de savoir pourquoi est-ce qu’on a envoyé une division pour se
battre contre les Russes au sein de la Wehrmacht. Et m’a intéressé également
l’aspect humain d’un fait qui en principe est déformé par des questions
idéologiques. Et donc mon personnage Arturo Andrade établit des relations avec
les Russes où ils ont dû vivre pendant deux ans à -40°C ; c’est aussi une
aventure humaine.
Vous abordez également l’Union Soviétique, la question du stalinisme, est-ce un
thème qui vous parle ?
La culture russe a été très importante pour moi. Dans ma vie, j’ai toujours lu
par étapes ; j’ai eu une étape russe, une étape française, une étape
grecque, et donc pendant la période russe, on ne peut pas échapper à Boulgakov,
Tolstoï, Dostoïevski, de Tchekhov. Ça m’a produit un grand intérêt pour la
culture russe, et plus particulièrement tout ce qui sont les idéologies
totalitaires. On ne peut pas séparer la culture russe de la période de la
révolution bolchevique. J’ai beaucoup lu, Trotski m’intéresse beaucoup, Lénine,
mais surtout Trotski. C’est celui qui pouvait le mieux diagnostiquer la
réalité, malgré le fait qu’il n’ait pas su voir venir l’avènement de Staline.
Donc tout ce qui a à voir avec cette période de l’Histoire me fascine.
Nous allons parler de votre dernier roman, Derrière les masques, publié cette année, aux éditions Phébus. C’est un roman
complètement différent de ce que vous avez fait jusqu’à maintenant. Ca ne se
passe pas pendant la Seconde Guerre Mondiale, mais à notre époque aux
Etats-Unis. Pouvez-vous nous en parler quelque peu ?
Et bien, j’ai commencé à écrire Derrière les masques par épuisement. J’ai passé huit ans à écrire la trilogie, et c’est
un sujet qui ne tient plus dans mon esprit : les thèmes, la structure, la
psychologie d’Arturo Andrade, etc. J’ai finalement cherché d’autres intérêts.
J’ai lu pas mal de choses, et j’avais envie de faire un roman contemporain. Il
faut toujours chercher de nouveaux défis ! Avec une structure et une
époque différentes. Il y avait trois thèmes qui m’intéressaient : la chute
de l’Union Soviétique en 1929, la globalisation économique et la guerre des
Balkans. Alors comment connecter tout cela ? J’ai créé une trame avec
beaucoup de personnages, de nombreux lieux : New-York, Amsterdam,
Tel-Aviv, pour monter une espèce de grande partie de billard où les boules, il
y a un effet domino, bougent et s'entrechoquent. Et donc essayer de
connecter tout cela en racontant les vies de Shailesh Mathur, Erin Sohr et des
autres personnages en ayant comme leitmotiv, comme MacGuffin comme dit
Hitchcock, un prétexte qui fait fonctionner la trame comme carburant :
c’est la persécution d’un criminel de guerre serbe qui s’appelle Victor, et à
partir de là, surgissent tout un tas d’intrigues et d’histoires.
Et dans ce roman, nous trouvons à nouveau les thèmes essentiels du roman
noir : traite des Blanches, trafic de drogues, armes, prostitution,
blanchiment d’argent, etc.
Oui, effectivement, tout cela forme le corpus de la trame. Mais ce qui
m’intéressait, c’était de voir comment ces faits modèlent les personnages,
comment cette macroéconomie influence la vie privée de mes personnages. C’est
très intéressant d’obtenir cet équilibre entre ces deux aspects du roman.
Pour terminer, pouvez-vous nous citer l'auteur français ou l'auteure
française qui vous a le plus marqué ?
Romain Gary ! C’est l’écrivain qui est à l’honneur aux Mots Doubs. J’ai lu
quatre ou cinq de ses romans, et même le dernier publié en Espagne, Europa.
C’est un roman assez dense. Ça m’a plu, j’aime sa vie, j’aime sa manière d’envisager
la littérature car, malgré le fait qu’en France il ait été traité d’écrivain
commercial, il change de nom et se présente au Goncourt, et il le gagne deux
fois ! Cette manière de voir la littérature m’enthousiasme, en plus d’être
marié à une femme magnifique ! Et en plus, il a eu une autre vie que la
vie littéraire, il a été chef d’entreprise, ambassadeur… Cette manière de vivre
et d’aborder la littérature m’intéresse beaucoup !
Et peut-être qu’un jour vous aussi gagnerez le Goncourt !
Euh, bon ! Je suis quelqu’un de très optimiste !
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- Site web officiel d'Ignacio del Valle
- http://ignaciodelvalle.blogspot.com.es/ Son blog : El marfil de la torre.
- http://www.facebook.com/ignaciodelvalle Ignacio del Valle sur Facebook.
- http://twitter.com/ignaciodevalle Ignacio del Valle sur Twitter.
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