Depuis
la référence à la Galice comme une sorte d'El Dorado dans un des
textes fondateurs de la littérature française, ce grand poème
épique qu'est La Chanson de Rolland, jusqu'aux romans actuels ou
reportages sur la catastrophe du Prestige, la Galice a eu son rôle,
petit mais étonnant, tout au long de plus de mille ans de culture
écrite en France. Les références, certaines banales, d'autres
fantaisistes, beaucoup tout à fait certaines, peuvent se trouver
gratuitement sur Internet dans cette étude écrite en français, La Galice racontée par des Français, par le philologue Henrique
Harguindey.
Traducteur au galicien de Molière ou Rabelais, entre
autres grandes figures, il a trouvé durant quarante ans de
lectures et de recherches des allusions à la Galice. « Ce pays
est petit pour la littérature française, dit-il, il n'a pas un
grand impact, mais la quantité de références et leur continuité
surprend parce qu'on pensait qu'il n'y avait rien. »
La
présence galicienne au sein des Lettres françaises est bien
hétérogène et couvre des champs divers du savoir comme la
littérature, la sociologie ou la recherche scientifique. Par
exemple, Albert Ier de Monaco, a étudié au XIX siècle la pêche de
la sardine en Galice pour arriver à savoir pourquoi en France elles
étaient en train de disparaître et a conclu que les marins
galiciens faisaient une exploitation rationnelle et conservationniste
des ressources.
Toujours
au XIXème siècle, mais dans sa seconde moitié, l'hispaniste Jean
Charles Davillier, accompagné du génial illustrateur Gustave
Doré, parcourt l'Espagne de fond en combles et rédige des
chroniques qui seront publiées dans la revue Le tour du monde.
Ce
qui attire l'attention c'est comment dans ses textes, contemporains
des Cantares gallegos de Rosalia de Castro, figure fondatrice et
emblématique de la littérature romantique galicienne, il capte le
drame de l'émigration et le mépris qui s'exerçait vis-à-vis des
émigrants galiciens dans tout l’État espagnol, et aussi leur
émotion quand ils se remémorent leur terre.
Avançons
un peu plus dans le temps : un des écrivains clés du XX
siècle, et un de mes préférés, Raymond Queneau, nous laisse un
témoignage de son passage par Vigo avec une plaisanterie bien
évidemment surréaliste à propos de Dino, un chien plus ou moins
imaginaire. Rande, à côté de Vigo, lieu qui a servi de décor à
l'un des épisodes de Vingt mille lieues sous les mers de Jules Verne
est bien plus célèbre.
Victor Hugo raconte l'usurpation de la couronne du roi Garcia dans La Légende des siècles.
Malgré
cette variété dans les regards et les approches, notre auteur
parvient à tracer quelques liens de continuité. Ainsi, dans La
Chanson de Rolland, en plus de faire référence à « l'or de
la Galice » : qui évoque de manière presque mythique les
mines d'or de l'époque roman, un de ses personnages est Hamon de
Galice, connu comme étant Raymond le chevalier de Bourgogne et le
père d'Afonso Reimondez, qui a été couronné roi de Galice en la
cathédrale de Saint Jacques de Compostelle et plus tard également
couronné roi de Castille et Léon en tant Alphonse VII l'Empereur.
On trouve cette thématique dynastique dans des textes des XI, XIV,
XV siècles et jusqu'au XIX quand Victor Hugo inclut dans La Légende des siècles un poème qui
raconte l'usurpation de la couronne du roi García par ses fils, en
réalité ses frères, dont Alphonse VII.
De
cette veine sur les embrouilles du pouvoir, avec une base historique
mais avec de hautes doses de fiction, Harguindey fait le compte rendu
d'un autre aspect : les relations que les textes reflètent
parmi ce qu'on appelle les nations celtes. De fait, dans Le Roman de
Ponthus et Sidoine, un roman de chevalerie breton qui servait de
modèle de conduite pour les fils de la noblesse, on raconte les
péripéties de Ponthus dans un haut Moyen-Age imprecis. Ce
personnage, fils de roi galicien, parvient à s'échapper par la mer
de La Corogne après une attaque musulmane qui détruit la ville. Il
s'installe en Bretagne, tombe amoureux de la fille du roi, mais après
de nombreuses pirouettes narratives, à la fin de la reconquête de
sa terre, il se marie avec sa fiancée et est nommé souverain de
Galice et de Bretagne. Pendant son chemin, il a des contacts avec
l'Irlande et l’Écosse, ce qui renforce la thèse du celtisme.
D'autres
constantes dans la littérature française son les divers conflits
entre la France napoléonienne et l'Espagne dès le début du XIX
siècle. La cruauté de ce que l'on appelle ici la Guerre
d'Indépendance, le capitaine Nicolas Marcel raconte dans ses
mémoires comment il était éffaré face à la barbarie des deux
camps et relate comment les troupes dont il faisait partie saccagent
la ville de Camariñas en assassinant hommes, femmes et enfants sans
distinction.
En plus de ceux-ci et des nombreux autres regards français sur la Galice, on peut trouver sur le site d'Henrique Hardingueu quelques unes des traductions en galicien qu'il a faites, celles non sujettes au droit d'auteur. Ainsi, on peut lire en galicien Molière, Voltaire, François Rabelais ou même le poème de Victor Hugo sur Le Petit roi de Galice.
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